Le Trésor public dispose d’un privilège spécial mobilier qui lui permet d’exercer un droit de suite sur les loyers des immeubles soumis à cette taxe en vue de recouvrer la taxe foncière impayée par le vendeur (CGI, art. 1920, 2-2°).
La taxe foncière est due par le propriétaire de l’appartement ou de la maison au 1er janvier de l’année d’imposition, soit le 1er janvier de l’année N pour la taxe foncière payée à l’automne de l’année N. En cas de vente, il convient d’attirer l’attention des acquéreurs sur les risques d’impayés de taxe foncière au titre des années précédant la vente.
I) Quels risques pour l’acquéreur ?
Si un immeuble fait l’objet d’une vente et que des cotisations de taxe foncière dues au titre des années précédant la vente n’ont pu être recouvrées auprès du précédent propriétaire, l’administration fiscale peut, adresser un avis à tiers détenteur au locataire de l’immeuble acquis, et ainsi poursuivre le recouvrement de l’impôt sur les loyers que le nouvel acquéreur percevra de la location.
En effet, la Cour de cassation juge que l’article 1920, 2-2° du CGI ne distingue pas selon que l’immeuble est ou non resté aux mains du même propriétaire, ce qui justifie que le Trésor exerce un droit de suite sur les loyers pour le paiement de la taxe foncière.
Néanmoins, ce privilège du Trésor n’est pas indéfini et encore faut-il que l’action en recouvrement du Trésor ne soit pas prescrite. En effet, d’une part, le privilège du Trésor est conservé aussi longtemps que l’impôt n’est pas payé, dégrevé ou prescrit. D’autre part, le privilège étant indissociable de l’action en recouvrement, il ne peut s’exercer que dans la limite de la prescription de l’action en recouvrement de l’impôt. L’acquéreur qui subit un avis à tiers détenteur sur les loyers qu’il devait percevoir doit ainsi vérifier si l’action en recouvrement n’est pas prescrite. La prescription de l’action en recouvrement constitue une prescription extinctive, c’est à dire ayant pour effet de libérer un débiteur d’une obligation au terme d’un certain délai durant lequel le créancier s’est abstenu d’agir.
À cet égard, le délai de prescription de l’action en recouvrement est celui pendant lequel le créancier public peut poursuivre le recouvrement forcé de ses impositions ou pénalités. Cette prescription est régie par l’article L. 274 du LPF, qui dispose que « Les comptables publics des administrations fiscales qui n’ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l’envoi de l’avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ».
Il faut avoir à l’esprit que divers actes de recouvrement émis par l’Administration fiscale valant voies d’exécution peuvent interrompre ce délai de prescription et donc prolonger le délai de l’action en recouvrement.
II) Devant quelles juridictions contester ?
Si les juridictions administratives sont compétentes dès lors que les contestations portent sur le principe de l’assujettissement, de l’assiette ou du montant de l’impôt dû par l’ancien propriétaire au titre de la taxe foncière ; le Conseil d’État par un arrêt du 22 février 2017, pose le principe selon lequel le Juge judiciaire est seul compétent pour connaître des contestations par le nouveau propriétaire de l’existence ou de la portée du privilège du Trésor exercé sur les loyers d’un immeuble ayant fait l’objet d’une vente récente.
III) Les solutions pour l’acquéreur ?
Afin de se prémunir contre les risques ci-dessus exposés, l’acquéreur doit obtenir la justification de son vendeur qu’il est à jour du paiement des taxes foncières et, dans la négative, obtenir une garantie de ce paiement (cautionnement bancaire, séquestre d’une partie du prix, clause de garantie de passif, etc.).
L’acquéreur peut également, en sa qualité de tierce personne subrogé dans les droits du Trésor, se retourner contre le vendeur au titre des cotisations de taxe foncière qu’il a indûment réglé.
Pour ce faire, deux mécanismes juridiques dérivant de la subrogation lui permettent d’agir contre le vendeur :
• La subrogation conventionnelle, tout d’abord, nécessite que la subrogation soit prévue dans l’acte de cession pour toutes éventuelles impositions nées antérieurement à la vente.
• La subrogation légale, ensuite, en application de l’article 1251-3 du code civil qui énonce que «la subrogation a lieu de plein droit… au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de l’acquitter ».
En cas de règlement entraînant subrogation du payeur dans les droits du Trésor, le comptable public remet à la partie versante qui en fait la demande un certificat de subrogation. La délivrance de ce certificat est mentionnée au compte du redevable intéressé.
Les personnes ayant payé en lieu et place d’un débiteur, se trouvent subrogées dans les droits du Trésor vis-à-vis de ce débiteur. Le bénéfice de la subrogation est limité au caractère privilégié de la créance et ne porte pas sur les modalités de recouvrement. A titre d’exemple, le créancier subrogé ne peut pas utiliser la procédure de l’avis à tiers détenteur.
NOTA BENE, lorsque le bien est vendu en cours d’année, le nouveau propriétaire ne paiera donc la taxe foncière que l’année suivante. Cependant presque systématiquement, les contrats de vente prévoient une répartition prorata temporis de la taxe foncière déjà due.
En clair, si l’acquéreur signe le 1er juillet, il paiera au vendeur la moitié de la taxe qu’il paiera à l’automne.
Cela étant, rien n’empêche à l’acquéreur de négocier cette répartition avant de conclure la vente… Par exemple en demandant au vendeur de la prendre entièrement à sa charge.